Crise de l'art en France dans les années 70

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Crise de l'art en France dans les années 70

Crise de l'art : le mot est ambigu. Il peut signifier qu'on décèle dans l'art contemporain des symptômes pathologiques d'incertitude, d'essouffle­ment, de blocage, de démission. Mais, au lieu de sé­nescence, la crise peut être de croissance, attestant vitalité, liberté, ce que les biologistes appellent nor­mativité : le pouvoir d'inventer ses propres normes et d'affirmer par là créativité et singularité. Pour­rons-nous choisir entre les deux interprétations? D'autre part, est-ce la pratique artistique seule qu'affecte la crise, ou bien le jugement du public qui accueille les produits de cette pratique? Ce jugement aussi est en crise, on le voit assez chez ceux qui s'as­signent le soin de le porter eux-mêmes ou de le souffler aux autres : ils ne savent plus que dire; et, surtout - car ils trouvent toujours à parler, il leur suffit de convertir l'œuvre en objet de savoir, et elle s'y prête parfois —, ils ne savent plus que faire, ils ne savent plus comment et quand jouir. Mais sans doute l'œuvre est-elle responsable de leur désarroi : elle fait violence aux habitudes et aux normes, elle étonne et elle décourage aussi bien l'interprétation que l'abandon au plaisir. A un urinoir signé Du­champ, à un motard en plastique qui semble échap­pé d'un musée Grévin, à la multiplication de Mari­lyn Monroe, à un diagramme pris dans un manuel de physique, à des mythologies personnelles, à une musique éclatée, aux cadavres exquis produits par des collages comment réagir? La posologie tradi­tionnelle de l'art n'est plus applicable : il faut inter­préter ces « œuvres », leur trouver de nouveaux usages, inventer — si on veut les juger — de nou­veaux critères. A moins que, tout simplement, nous ne soyons invités à jouer? Mais l'invitation est rarement claire, et nous avons désappris d'y répon­dre. Aussi percevons-nous mal ce que la crise comporte de positif : d'une part, que l'art exerce, dans le champ intellectuel et dans le milieu social, une fonction critique; d'autre part, qu'il en appelle à une certaine intensité, parfois contenue et secrète, de la jouissance et qu'il se propose par là d'éveiller en nous un nouveau pouvoir et peut-être un nouvel espoir.





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